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6 octobre 2015 2 06 /10 /octobre /2015 12:29
Les messages du Sud-Kivu poussent à relire l’histoire  pour éviter la guerre perpétuelle

Les messages du Sud-Kivu poussent à relire l’histoire pour éviter la guerre perpétuelle

« Un peuple sans mémoire ne peut pas être un peuple libre. » D. MITTERRAND

Vivre à Kinshasa et être attentif aux messages de la partie orientale du Congo-Kinshasa est un exercice auquel plusieurs d’entre nous devraient s’adonner. Il en va de même de la diaspora congolaise. Le dernier message des jeunes du Sud-Kivu livré à Martin Kobler devrait être lu et partagé sur toute l’étendue du territoire congolais. La guerre perpétuelle que les Anglo-saxons mènent aux Congolais(es) par des proxys interposés est en train de s’intensifier pendant qu’à Kinshasa les sujets du débat politique tournent autour des ‘’rats sautant de leur bateau de la kabilie’’.

Les jeunes de la société civile du Sud-Kivu ont dit au revoir à Martin Kobler le 16 septembre 2016. Ils lui ont dit leur satisfaction pour le travail abattu par l’ONU dans cette partie du territoire congolais tout en exprimant des inquiétudes liées à l’inachèvement de ce même travail. Les camps de transit hébergeant les membres des FDLR à Walungu, à Kanyabayonga et à Kisangani semblent se transformer en camps définitifs. Et puis, la Monusco n’est plus disposée à nourrir ceux et celles qui y habitent. Il en va de même du gouvernement fantoche de Kinshasa. Le danger de voir ces FDLR s’engager à chercher à manger et à boire en pillant les populations locales et en recourant aux armes devient de plus en plus grand.

Ces jeunes sentent que le Rwanda et le gouvernement fantoche de Kinshasa sont en train de s’organiser pour que, pour la énième fois, ils s’engagent à traquer ces FDLR. Ils vont encore une fois se mobiliser pour intensifier la guerre à l’est du pays pour torpiller le processus vicié et vicieux des élections pièges-à-cons et poursuivre le projet d’occupation et de balkanisation du Congo-Kinshasa à partir de sa partie orientale.

Ces jeunes ont aussi peur qu’une guerre éclatant entre le Rwanda et le Burundi ne puisse embrasser, encore une fois, toute la sous-région des Grands Lacs africains.

En lisant le texte de ces jeunes congolais, une chose saute aux yeux : ils ont une bonne maîtrise de l’histoire du pays depuis les années. Ils en connaissent les acteurs. Néanmoins, ils semblent se limiter aux acteurs apparents et ne semblent pas lire, à certains moments, entre les lignes.

Pourquoi, la Monusco, après avoir travaillé à la création des camps de transit des FDLR, n’est pas allée jusqu’au bout de sa tâche ? Pourquoi n’a-t-elle pas rapatrié ces FDLR au Rwanda pour éviter qu’elles ne servent de prétexte à l’entretien de la guerre perpétuelle de prédation, d’occupation et de balkanisation du Congo-Kinshasa ? N’est-ce pas là signe qu’elle est complice de la descente de ce pays de Lumumba en enfer ? Ses slogans sont utilisés par les acteurs pléniers de l’implosion et du pillage du Congo-Kinshasa comme ‘’soft power’’ pour poursuivre leur sale besogne.

Ces jeunes épris du sens de l’histoire de leur pays devraient relire Frantz Fanon afin de mieux mener leur lutte en identifiant comme il se doit les différents acteurs qui y sont impliqués.

Ne sachant pas que l’ONU est un instrument aux mains des impérialistes, Lumumba l’avait invitée au Congo-Kinshasa afin qu’elle vienne mettre fin aux guerres de sécession ; sans succès. Cela fut une erreur décriée par Frantz Fanon. Une faute commise par Lumumba et que commettent encore plusieurs Africains (et Congolais(es)) dans leur approche de l’ONU.

« Notre tort à nous, écrit Frantz Fanon, Africains, est d’avoir oublié que l’ennemi ne recule jamais sincèrement. Il ne comprend jamais. Il capitule, mais ne se convertit pas. Notre tort est d’avoir cru que l’ennemi avait perdu de sa combativité et de sa nocivité. »[1]

Nos jeunes devraient apprendre à identifier cet ‘’ennemi’’, ses stratégies et ses méthodes ; son instrumentalisation de la religion, de l’ethnie, du parti politique et des organisations dites internationales. A ce point de vue, il semble y avoir encore un peu de naïveté chez les jeunes comme chez les adultes.

Voilà que pendant que le gouvernement fantoche de Kinshasa travaille avec le Rwanda pour une énième infiltration des éléments rwandais et ougandais dans ‘’l’armée congolaise’’, à Kinshasa, les sujets d’échange tournent autour des ‘’rats sautant du bateau’’ pour un possible repositionnement sur l’échiquier congolais des vassaux au service de l’ordre néolibéral.

Ne serait-il pas réellement temps de constituer un grand mouvement anti-guerre au cœur de l’Afrique ? Ne serait-il pas réellement temps que nos 400 partis politiques et nos centaines d’organisations de la société civile comprennent que l’accès aux matières premières stratégiques des grands blocs chinois, américain et européen passe par une guerre perpétuelle facilitée par l’esprit partisan, tribal, ethnique et religieux opposant les filles et les fils du Congo-Kinshasa ?

Insistons. Les usagers de la stratégie du chaos ne livrent pas des guerres racistes de prédation et de déstabilisation des pays pour y mettre après de la démocratie. Ils le disent à qui voudraient les entendre comme ils le font à travers l’un de leurs grands géopoliticiens, George Friedman[2].

Ils ne changent pas de stratégie à tout moment. Ils tiennent à éviter l’union, la collusion entre les pays, les politiciens, les peuples, les religions, les ethnies,les organisations de la société civile qu’ils tiennent à vassaliser. Recourant à l’argent et au terrorisme, ils tiennent à créer de la dépendance chez leurs vassaux. Ils font tout pour les convaincre que c’est d’eux que dépende leur sécurité. Ils sont fidèle à la politique du ‘’diviser pour régner’’.

Peser dans les rapports de force qu’ils créent et imposent exige d’opposer à leur intelligence une intelligence historique avertie sans tomber dans leur piège de ‘’la fabrication des hommes providentiels’’ pour le Congo-Kinshasa de demain. D’où la nécessité de l’organisation d’un grand mouvement anti-guerre en conscience.

Nos jeunes du Sud-Kivu viennent de nous lancer un cri d’alarme. La politique de la carotte et du bâton est en marche à partir de la partie orientale du pays. A Kinshasa et dans les autres provinces, la chasse aux sorcières est organisée pour brouiller les cartes. (à suivre)

Mbelu Babanya Kabudi

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[1] F. FANON, Œuvres, Paris, La Découverte, 2011, p. 877.

[2] https://www.youtube.com/watch?v=emCEfEYom4A

Les messages du Sud-Kivu poussent à relire l’histoire pour éviter la guerre perpétuelle (Suite et fin)

« Un peuple sans mémoire ne peut pas être un peuple libre. » D. MITTERRAND

Comme vers les années 1990/92, à Kinshasa, les politiciens et plusieurs organisations de la société civile parlent de démocratie et d’alternance. Ils n’écoutent pas les messages de la partie orientale du pays. Ils ont vite oublié qu’il y a eu des ‘’accords de Lemera’’. Et que les acteurs pléniers et les acteurs apparents de la guerre raciste et de prédation menée contre le Congo-Kinshasa, eux, ont de la suite dans la poursuite de leurs objectifs. Vers les années 1990/92, à Kinshasa, les politiciens parlaient de la démocratie et de la conférence nationale jusqu’au jour où ‘’la guerre de libération’’ a pris plusieurs d’entre nous au dépourvu.

La surdité à l’endroit des messages venant de la partie orientale du pays risque d’enfoncer davantage le Congo-Kinshasa dans un gouffre sans fond. Elle ne peut se justifier que par un refus conscient ou inconscient de revisiter et de questionner notre histoire collective de ces trois dernières décennies. Bien longtemps avant les jeunes du Sud-Kivu qui viennent de s’adresser à Martin Kobler le 16 septembre 2015, Mgr Munzihirwa avait écrit au président américain Jimmy Carter en relatant la tragédie du Congo-Kinshasa et de la sous-région des Grands Lacs depuis les années 1990. Dans une lettre dont l’objet était le ‘’retour des réfugies rwandais et massacres massifs au Rwanda’’, il écrivait ceci :

«Au Rwanda, les conditions de détention des personnes arrêtées pour la plupart arbitrairement, dont des milliers de femmes et d’enfants, conditions connues du monde entier, sont abominables et inqualifiables (…)Tout comme d’autres l’ont fait, nous demandons l’ouverture d’une enquête internationale sur les massacres en cours au Rwanda : sur les massacres commencés depuis octobre 1990, sur les conditions de détention visant à la purification ethnique, sur la planification des détentions et des massacres… »[2] L’enquête internationale n’a jamais eu lieu. Depuis les années 1990, l’APR de Paul Kagame jouit d’une grave impunité.

Cette lettre de Mgr Munzihirwa est historiquement importante. Elle situe ‘’la planification des détentions et des massacres’’ en octobre 1990 au Rwanda.

Du point de vue de la politique internationale, le mur de Berlin tombe en 1989. Le Président Mitterrand tient son discours de la Baule conditionnant l’aide à accorder aux pays africains à leur ouverture à la démocratie en le 20 juin 1990. Plusieurs pays africains (et leurs oppositions politiques) sont effectivement en train de se battre contre les dictatures et optent pour les conférences nationales souveraines afin de baliser un avenir démocratique pour le continent.

Ces luttes africaines pour ‘’la démocratie’’ semblent passer à côté d’un ‘’fait historique’’ de taille : la proclamation de ‘’la fin de l’histoire’’ par un néoconservateur américain du nom de Francis Fukuyama. Cet oubli sera préjudiciable pour ‘’les fous de la démocratie’’ en Afrique et surtout dans la sous-région des Grands Lacs africains. Ils n’ont pas compris que ‘’la fin de l’histoire’’ symbolisait la domination unilatérale du monde par le néolibéralisme anglo-saxon.

Au Congo-Kinshasa, les artisans et les partisans de la conférence nationale souveraine et de ‘’la démocratie’’ n’ont pas compris, à cette époque là que « les Etats-Unis apportent une aide financière et militaire importante à Kigali. (…) que 50 instructeurs américains contribuent à la formation des soldats de l’armée patriotique rwandaise, comme l’écrit Mgr Munzihirwa. »[2]

Il y a d’autres témoignages allant dans le sens de celui de Munzihirwa. Ils n’ont malheureusement pas été pris en compte par Kinshasa. Au point que, quand ‘’la planification des détentions et des massacres’’ s’étend jusqu’à Bukavu et dans plusieurs autres coins du territoire congolais, les Congolais(es) resté(es) sourd(es) aux messages venant de la partie orientale du pays crieront : « Libérés, libérés, libérés, etc. »

Plus ou moins deux décennies après, la même situation est en train de se reproduire. En plus de ses infiltrations dans les institutions congolaises, le Rwanda de Paul Kagame occupe certains coins du pays à l’est. Les proys de la guerre raciste et de prédation contre le Congo-Kinshasa tiennent à la mise en pratique des ‘’accords de Lemera’’. Ils veulent, avec l’appui des acteurs pléniers de cette guerre, déposséder le Congo-Kinshasa d’au moins 300 km de son territoire[2]. Pour dire les choses autrement, les initiateurs de la Conférence de Berlin veulent redessiner les frontières du Congo-Kinshasa par-delà leurs discours officiels, en se servant de leurs proxys.

Pendant ce temps, comme vers les années 1990/92, à Kinshasa, les politicards parlent de ‘’la démocratie’’, de ‘’l’alternance’’, du ‘’processus électoral’’, etc. Ils sont loin de comprendre que ‘’la démocratie’’ et ‘’les élections’’ constituent une distraction dans un contexte où la guerre économique entre les Etats-Unis, la Chine, la Russie et l’EU est en train de choisir le continent africain comme terrain de prédilection.

Ces politicards ont l’habitude de compter sur le changement des présidents américains en particulier et les présidents occidentaux en général pour croire en un éventuel changement de politique dans les pays africains grâce aux pressions exercées par ‘’les vielles démocraties’’. Ils sont plusieurs à ne pas voir et comprendre que de Jimmy Carter, en passant par les Bush et Obama, les présidents américains ont changé et que la guerre s’est perpétuée au Congo-Kinshasa. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que souvent, ces présidents sont au service de l’Etat profond anglo-saxon et des multinationales. Celles-ci ont besoin de la guerre pour plusieurs raisons : avoir un accès facile aux matières premières stratégiques par le pillage, avoir une main d’œuvre corvéable à merci dans les pays en guerre, couper aux éventuels concurrents l’accès à ce marché, etc.

Initier un mouvement anti-guerre, dans ce contexte, aiderait à aller au-delà des divisions partisanes pour s’attaquer au mal à la racine. Un pays comme le Congo-Kinshasa a besoin de s’allier à beaucoup d’autres dans cette initiative et à avoir certaines de ses fils et de ses filles qui n’auront comme travail que : « 1. Analyser et exposer les stratégies de guerre cachées par les médias. 2. Etudier les grandes pages de l’histoire des mouvements anti-guerre. 3. Et surtout, lier les guerres aux problèmes quotidiens des gens. Où qu’on se trouve, nous affrontons le même ennemi : les multinationales. Si on les laisse dominer le monde et toutes ses richesses, matières premières ou travail, l’écart riches - pauvres croîtra, et aussi la guerre qui sert à maintenir l’injustice. »[2] Identifier ‘’les petites mains’’ de ces multinationales pour les mettre hors d’état d’agir serait aussi une tâche importante.

Les Congolais(es) ont donc intérêts à comprendre que les guerres menées contre leur pays par des proxys interposés sont celles des ‘’usurpateurs’’ ; c’est-à-dire celle des entreprises transnationales qui, depuis les années 1990 sont en train d’usurper le pouvoir légitime en se servant des gouvernants visibles comme acteurs apparents ou garçons de course et de l’ONU comme instrument de neutralisation de toute velléité de souveraineté.

La Chine a compris cela. Là où ses intérêts sont en jeu, ses casques bleus intègrent les missions de l’ONU. La Russie mène une diplomatie plus ou moins agressive pour sauvegarder ses intérêts et sa souveraineté. Plusieurs pays africains essaient de diversifier leurs partenaires stratégiques pour résister aux ‘’usurpateurs’’. Le Congo-Kinshasa et ses politicards est encore à la traîne. Elle continue à croire, naïvement, en une communauté internationale imaginaire pour rompre avec l’ordre néolibéral et néocolonial. Il ne comprend pas encore qu’il doit compter sur un grand mouvement citoyen pour renverser les rapports de force ou sur un leadership collectif sage, intelligent et responsable.

Actuellement, plusieurs de ses filles et fils parlent de ‘’démissions’’ et de ‘’coup de tonnerre’’ là où il est purement et simplement ‘’blanchiment’’ de ‘’nouveaux prédateurs’’ après celui de ‘’vieux dinosaures’’ mobutistes superficiellement convertis au ‘’kabilisme’’. (Nous y reviendrons avec deux ou trois articles.)

Mbelu Babanya Kabudi

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Published by kongolibre.over-blog.com