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18 septembre 2011 7 18 /09 /septembre /2011 12:50
SAMEDI, 17 SEPTEMBRE 2011 19:15  PDF Imprimer Envoyer
Un congolais résidant en Afrique du Sud sauve un colis volé par un gang

Tout avait commencé à Poitiers, en France. David L., un jeune cadre français, posta une annonce de vente d’un ordinateur portable sur e-bay.fr, un site Internet de vente aux enchères. Le dernier adjudicataire était un homme résidant en Afrique du Sud se prénommant Alexis. Ils se mirent d’accord sur le mode de paiement. David céda à la demande d’Alexis qui voulait absolument que les transactions se fassent par un transfert bancaire qu’il ordonna aussitôt pour couvrir le prix d’achat de l’ordinateur et ses frais de port. Prouvant sa bonne foi, il scanna à David les preuves du transfert qui paraissaient authentiques. Au vu de ces éléments, David s’empressa d’expédier le colis par la voie express de La Poste et communiqua les références y relatives à Alexis. 

Une semaine plus tard, le transfert annoncé n’était toujours pas arrivé. David et Sylvie, son épouse, commencèrent à émettre quelque doute sur la crédibilité du client. Ils se retournèrent vers Alexis pour en avoir le cœur net sur l’évolution de cette opération. A leur grande surprise, le numéro de téléphone de ce dernier ne sonnait plus et tous les courriels lui adressés par ce jeune couple poitevin restèrent sans suite. 

Désabusé, David se rendit au bureau de la Poste pour le suivi du colis grâce au système de vérification dit de « tracking ». Il fut soulagé en apprenant que ce colis n’était pas encore livré au destinataire. Mais il déchanta aussitôt après. Sa déception fut grande, en effet, lorsque la Poste opposa une fin de non–recevoir à sa demande enjoignant les services postaux de surseoir la livraison du colis à son destinataire. 

La deuxième semaine venait d’être entamée. Plus le temps passait et plus la chance de revoir l’ordinateur s’amenuisait. Au lieu de consoler ou de proposer une quelconque solution, les amis n’arrêtaient pas de répéter à David ce qu’il savait déjà, à savoir qu’il venait d’être l’objet d’une escroquerie. Une manière de remuer le couteau dans la plaie. 

Là où l’Ambassade de France échoue... un congolais réussit 

Le jeune couple prit contact avec l’Ambassade de France basée à Pretoria pour solliciter son aide. C’est l’Ambassade qui apprendra aux infortunés que la Banque censée avoir réalisé le virement n’avait jamais existé en Afrique du Sud. Et d’ajouter que ça ne valait pas la peine d’insister car l’Ambassade ne pouvait rien faire en pareil cas. Pour elle, il s’agissait là d’une cybercriminalité, autrement dit, d’un cas classique d’arnaques sur Internet très difficile à combattre. 

C’est en ce moment là que je rencontrai mon ami David. Il avait l’air déprimé. Sa femme eut même du mal à me parler. En voulait-elle peut-être à tous les Africains ? David me fit part de sa triste nouvelle. J’écoutai attentivement le cours de l’histoire à la manière de l’inspecteur Colombo ou Derrick. Après quoi, je lui posai des questions du genre : « As-tu le nom et l’adresse de cet homme ? » « L’avais-tu eu personnellement au téléphone ? » « Dans quelle langue s’exprimait-il?... Son accent ?... » « Parlait-il français avec un quelconque accent régional ? Maîtrisait-il l’anglais ? Serait-il un Blanc ou un Noir ?...» Je pris des notes. Je me disais que je pourrais peut-être me rendre utile dans cette affaire grâce à mes relations, les « bathunga ». Je ne sais pas ce qui mijotait dans la tête de David pendant ce temps-là. Il m’observait avec l’air de dire : « Que va-t-il faire avec tous ces éléments, lui, un congolais, pour un colis envoyé dans un Township sud-africain ? »

Sur base des données recueillies, je me mis en relation avec un ‘beniluberois’ résidant en Afrique du Sud, un certain E. B. (Pour sa sécurité, la sagesse m’obligera ici à ne pas révéler son identité car il vit toujours à Johannesburg.) Ce compatriote me fit un grand honneur en acceptant volontiers d’enquêter sur l’affaire. Il se rendit à l’adresse indiquée, au 80, Tramway Street. A sa grande surprise, l’adresse déclinée par Alexis était une clinique communautaire du quartier. E. B. m’adressa un mail par lequel il dira : « Ceci m’étonnerait qu’une personne normale puisse donner l’adresse de la clinique ». Et il prit conscience du danger. Ainsi, se refusera-t-il d’interroger la Clinique pour savoir si Alexis Lebreux – le nom du destinataire du colis - faisait bel et bien partie du personnel. Car, toujours selon notre frère E. B., « le quartier Turnfontein [était] réputé d’abriter beaucoup d’escrocs venant du Nigeria, du Mozambique et d’ailleurs. Et même des vendeurs de drogue. » 

Notre frère pensait bien faire en me communiquant tous ces détails au fur et à mesure que le dossier évoluait. A mon tour, je pensais bien faire en transférant in extenso à David et à Sylvie tout ce qui me parvenait de E. B. à ce sujet. C’était sans savoir que de par nos origines, nous avions de sensibilités dissemblables. Les victimes étaient des français qui découvraient les réalités du monde « extérieur » alors que nous, « les enquêteurs », nous étions habitués à des situations de violences quotidiennes que nous avions vécues dans notre province d’origine. 

David et Sylvie prirent donc peur pour la sécurité de mon ami E. B., jusqu’à lui suggérer d’arrêter les investigations afin de préserver sa vie qui serait ainsi mise en danger. Mais notre frère me fera savoir que ce fut avec plaisir qu’il accepta cette mission et il m’assura qu’il la mènerait à terme, quoi qu’il arrive. L’adrénaline chez nos deux victimes monta d’un cran. Et avec raison, car nous savions que nous avions en face de nous un gang organisé de Johannesburg réputé pour ses actions violentes. 

La Poste et la Police sud-africaines s’en mêlent 

E. B. se rendit à la Poste de Turnfontein muni de l’adresse supposée du destinataire. Le « post master » du bureau de poste, décrit par E. B. comme étant « une gentille dame » lui fit un accueil chaleureux et promit de coopérer avec lui. Cette fonctionnaire fit comprendre à notre émissaire qu’une telle démarche était louable car elle permettrait de redorer l’image du pays à l’étranger. 

Après vérifications, la dame informera notre compatriote que le colis venait de parvenir au centre de tri. Elle s’engagea de faire tout son possible pour l’intercepter. Elle exigea à cet effet la copie de la lettre de transport aérien « Way Bill » ainsi que la procuration dûment signée par David mandatant E. B. Mais l’étape suivante n’était pas si facile à franchir. Il convient de signaler que la Poste n’avait pas le droit de surseoir la livraison du colis, selon l’esprit de la loi en vigueur en Afrique du Sud. Pour ce faire, il fallait faire intervenir les services de la police. 

C’est ainsi que la Police suggéra à la Poste d’informer le destinataire de l’arrivée de son colis et de lui demander de se présenter muni de la facture de cet ordinateur et... d’une pièce d’identité. Mais l’intéressé n’était pas né de la dernière pluie. Ce gang sentait bien le vent tourner en sa défaveur. Alexis se douta vraisemblablement de quelque chose et au lieu de se présenter en personne, il enverra tout simplement la facture qu’il avait reçu de David via Internet. 

Pendant ce temps, la police était tapie à l’entrée de la Poste de Turnfontein, espérant fermement que ce colis servirait d’appât pour mettre la main sur la bande et la démanteler éventuellement. Au bout de quelques semaines raisonnables d’attente, les services de la Poste et la Police conclurent qu’Alexis ne se présenterait jamais. E. B. eut bien raison et l’ordinateur fut renvoyé à Poitiers auprès de son expéditeur. 

Un congolais en héros dans un Township ! 

Il y a des pompiers qui deviennent des héros après avoir sauvé des personnes en danger. Des policiers décorés pour leurs actes de bravoure. Mais il y a aussi des gens qui font de belles œuvres dans l’ombre. E. B. en fait partie. Il avait agi dans l’anonymat et sans contrepartie. Et ce, dans un Township ! En Afrique du Sud, aucun article ne fut publié pour louer son courage, sa persévérance et sa détermination. En outre, E. B. ne réclama rien aux victimes, une fois qu’elles eurent retrouvé leur ordinateur. Pour lui, c’était juste un devoir envers son frère. Quelle belle attitude d’esprit ! On devrait tous s’en inspirer dans ce monde où l’amour et la solidarité se meurent à petit feu cédant la place à la haine et à l'individualisme. «Muthunga E. B., Uli’mulume » ; « avangi sivavi, dii ! ». * 

Kasereka KATCHELEWA

Aisy-sur-Armançon, France 

* Expressions Nande qui signifient : «Tu es un brave homme, E.B. » ; « Il n’y a aucun mal d’être nombreux [tant que l’on reste solidaire] ! »

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