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26 février 2015 4 26 /02 /février /2015 09:35

Les élections de 2016 ne rassurent personne


Il faut être sourd, myope analphabète ou illettré pour croire que l’abbé Malu Malu mis en place par le chef de l’Etat actuel pourrait organiser des élections libres et transparentes. Le croire revient à oublier le but pour lequel cet abbé a été placé à la tête de la CENI. En 2006, cet homme a tellement excellé dans l’organisation des fraudes électorales[1] qu’en guise de récompense ou de remerciement, le régime lui a confié une seconde mission pour réitérer avec brio ses exploits antérieurs. En parlant de trois penalties dont deux ont été validés en 2006 et en 2011, le Gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, a attiré l’attention du peuple sur ce qui était déjà bien connu. Peuple congolais, sommes-nous prêts à valider encore – bêtement et naïvement – un troisième penalty pour que ceux qui vont organiser la compétition se réapproprient le pouvoir alors qu’ils ont tué et emprisonné les Congolais, ils ont fermé les yeux devant les Congolaises violées, ils ont organisé le pillage de nos ressources du sol et du sous-sol, ils ont détourné les deniers publics, bref ils ont lamentablement échoué dans leur politique de développement ? Nous devons refuser d’être amnésiques.

Avec sa configuration actuelle, la CENI ne pourra pas organiser des élections transparentes au suffrage universel. Celles de 2016 seront encore truquées, remplies de tricheries. Elles seront une nouvelle source des disputes et des conflits. L’élection présentielle de 2016 servira à valider l’homme et/ou le régime qui va l’organiser. Souvenons-nous de ce qu’a dit l’ancien président du Gabon, Omar Bongo : « En Afrique, on n’organise pas les élections pour les perdre ». Cela se vérifie en RDC. Ce n’est pas en 2016 que cela changera avec un président de la CENI mis en place par un pouvoir tyrannique.

En 2016, la majorité présidentielle continuera à corrompre les surveillants des opérations de vote, de dépouillement et de compilation en leur proposant des enveloppes pour acheter leur silence et leur conscience face aux fraudes, comme cela s’est passé en 2006 et en 2011. Il est facile d’acheter des femmes et des hommes affamés sans revenu. Les urnes seront de nouveau bourrées et les résultats correspondront aux desiderata des riches au pouvoir et à ceux de leurs commanditaires. Comme par le passé, les procès-verbaux seront falsifiés sans la moindre crainte d’être sanctionnés[2], les bureaux de vote afficheront un nombre de votants différent de celui qui a réellement participé au vote. Quelles que soient les dispositions que les candidats de l’opposition prendront pour placer des témoins dans tous les bureaux de vote et de dépouillement, à l’intérieur du pays et à Kinshasa, rien ne changera car en RD Congo la volonté de tricher précède l’organisation des élections et les surveillants des bureaux de vote sont trop pauvres pour résister aux différentes tentations de corruption. Cette culture honteuse fait malheureusement partie du vécu congolais. Pour les détenteurs actuels du pouvoir, l’alternance signifie simplement mettre en place les mécanismes de leur maintien au pouvoir. Si leur raïs devra nécessairement quitter le navire, ils s’arrangeront pour passer le flambeau à un autre membre de leur groupe. Au cas où, accidentellement, ils seront contraints à céder la présidence à quelqu’un de l’opposition, ils s’organiseront pour se donner une majorité au Parlement afin de mettre le nouveau président de la République en minorité et l’obliger à choisir un Premier ministre dans leur camp. La cohabitation précoce rendra vite le nouveau président inutile voire impopulaire, car il n’aura pas d’emprise sur le Gouvernement. On entrevoit déjà en filigrane la confirmation des Mobutistes qui se sont mis au service de Joseph Kabila pour faire oublier leur passé nauséabond avec le maréchal Mobutu et se refaire ainsi une nouvelle virginité. Tout montre que l’espoir d’un changement tant espéré par le peuple va se transformer en un véritable cauchemar ou en une amère déception.

Le Président Joseph Kabila, qui est très impopulaire et qui ne pourra pas convaincre les électeurs pour se faire réélire après les fraudes électorales de 2006 et 2011, sera probablement imposé malgré les tueries et les arrestations arbitraires des Congolais. Si sa famille politique se trouve dans l’impossibilité d’imposer le président sortant, elle choisira un autre candidat. Il cherchera par tous les moyens à conserver le pouvoir pour contrôler de nouveau le Gouvernement et le Parlement et surtout pour échapper aux sanctions du peuple à cause de sa mauvaise gestion de la res publica. Pour les gouvernants actuels, la corruption reste l’unique moyen de conserver le pouvoir. C’est pourquoi les élections de 2016 ne rassurent personne. Elles ressembleront aux élections précédentes. Déjà, en pleine campagne électorale précédant l’élection présidentielle de 2011, M. Joseph Kabila a dit en parlant de membres de l’opposition : « Unis ou pas, je les battrai ». Il comptait sur le pasteur Daniel Ngoy Mulunda qui allait organiser des fraudes en sa faveur. Déjà, les Sénateurs, les Gouverneurs de provinces, les députés provinciaux sont sans légitimité depuis les 28 novembre 2011 mais ils fonctionnent comme s’ils étaient normalement élus. La RDC vit dans le règne de l’anarchie. Comment, dans ces conditions, pouvons-nous espérer des élections transparentes ? Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale, s’est déjà exprimé en ces termes : « En 2016, nous garderons le pouvoir comme nous l’avons fait en 2006 et 2011 ». Tout un programme.

La seule chance de l’opposition reviendrait à présenter un candidat et un seul. Mais le succès de ce seul candidat ne sera pas garanti car la majorité va aligner quelques-uns de ses caciques qui feront croire qu’ils se sont brouillés avec M. Kabila ou avec la majorité afin d’éparpiller les voix du seul vrai candidat de l’opposition et de le contraindre à accepter « démocratiquement » son échec, comme la majorité sortante l’a fait en 2011 en alignant Kengo wa Dondo et consorts. Cette stratégie est déjà en marche avec quelques ténors de la majorité qui font croire qu’ils sont en désaccord avec le régime qu’ils ont gracieusement servi depuis le début.

N’oublions pas que nous sommes dans le contexte d’une élection à un seul tour. Cela signifie qu’un candidat peut être élu avec 20 % voire moins. Quelle que soit la stratégie que mettra en place l’opposition, elle perdra l’élection présidentielle de 2016 en faveur du candidat de la majorité. En s’appuyant sur leur expert ès fraudes électorales – l’abbé Malu Malu –, la majorité s’arrangera pour conserver le pouvoir qu’elle a appris à chérir. Les élections futures ressembleront donc aux élections précédentes. Le peuple congolais ne doit y accorder aucun crédit, à moins que la CENI soit dissoute et que le PPRD soit contrainte à ne présenter aucun candidat à cause de sa gestion calamiteuse. Or, ces deux scénarios sont loin de se réaliser.

La seule façon de rendre la CENI crédible consiste à remplacer les responsables actuels par d’autres personnes neutres sans passé politique et sans appartenance partisane. L’abbé Malu Malu a des accointances politiques et il utilise la CENI pour servir les intérêts des siens et, au passage, pour s’enrichir rapidement et illicitement. Pour s’en rendre compte, il suffit de voir la facture qu’il a présentée pour les prochaines élections. Elle dépasse le milliard. Cette somme colossale est aussi une façon voilée de ne pas vouloir organiser les élections car elle sera difficile, voire très difficile, à réunir. Sans argent, le président, le Gouvernement, la CENI, etc. vont continuer à fonctionner dans l’illégalité. Mais l’illégalité et l’illégitimité n’ont jamais dérangé les gouvernants congolais !

Aspirer à vivre dans la paix

Les Congolais aspirent à vivre dans un pays où l’éthique de conviction et de responsabilité prévaut, où l’alternance au pouvoir devient une réalité mécanique, où les puissances étrangères ne se mêlent pas de ses affaires intérieures, où les droits humains sont respectés, où les enfants vont étudier dans de bonnes écoles, où l’État crée des emplois et lutte contre le chômage et où les citoyens ont la liberté de choisir eux-mêmes leurs dirigeants.

La paix et l’équilibre régional reviendront en RD Congo lorsque les élections seront organisées par une institution apolitique et lorsque le pouvoir s’appuiera sur la proportionnalité dans la composition du Gouvernement central, dans le fonctionnement des institutions, dans le choix des magistrats, dans la composition du Parlement et dans tous les autres services de l’État central.

Comme le Burkina-Faso, la RDC est dans un mouvement graduel qui aboutira à la victoire du peuple sur la tyrannie. Cela prendra du temps mais il y parviendra. Tous les peuples du monde sont passés par ce temps long. Les Congolais ne doivent pas désespérer mais lutter continuellement et fermement contre les antivaleurs.

S’inspirer des institutions suisses pour sortir la RDC de ses sempiternels conflits

Il existe plusieurs styles de leadership et de management. Certains posent des problèmes et d’autres sont appréciés par les bénéficiaires, c’est-à-dire par le peuple. La Suisse est un bel exemple[3] de new public management qui doit inspirer les futurs dirigeants de la RD Congo. Notre pays a choisi le modèle français de la Ve République, au lendemain de son indépendance, à l’instar de beaucoup d’autres pays africains francophones. Or, l’expérience montre que la politique congolaise est faite de conflits. La dictature a toujours rendu le pays ingouvernable. Pour sortir le pays d’une succession d’antagonismes, il devient urgent de s’inspirer du modèle suisse dans lequel tous les partis politiques sont au pouvoir, même l’opposition. Chaque parti est représenté au Parlement en fonction de son taux de popularité aux élections ou, en d’autres termes, d’après le nombre de suffrages qu’il a obtenus. La présidence de la République est tournante. En Suisse, le président gouverne le pays pendant une année. Les affaires publiques sont dirigées par l’administration publique et le chef de l’État a une fonction protocolaire dans les relations de la Suisse avec les États étrangers. Tout en étant chef de l’État, le président suisse dirige un département, c’est-à-dire un ministère. Il n’a pas plus de pouvoir que les autres membres de l’exécutif. Les trois formes de pouvoir (législatif, exécutif et judiciaire) jouissent de leur totale indépendance tout en s’influençant et en se complétant mutuellement. C’est ce modèle qui convient à la RD Congo pour sortir de ses sempiternels conflits. Il est temps que notre pays fasse un autre choix de son modèle de gouvernance pour consolider la paix et amorcer le développement du Congo. Plus que les règles, c’est le jeu qu’il faut changer dans notre pays.

 

Fweley Diangitukwa

Président du CLD (Le Congo en légitime défense)



[1] Lire Fweley Diangitukwa, Les fraudes électorales. Comment on recolonise la RDC, Paris, L’Harmattan, 2007.

[2] L’impunité règne en maîtresse en RD Congo.

[3] Lire Fweley Diangitukwa, Leadership et management. L’exemple suisse, éditions Presses académiques francophones, Allemagne, 2015 (à paraître).

 

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