L’article 64 de la Constitution congolaise fait-il peur? – Jean-Bosco Kongolo
Par DESC-Wondo.org Le 31 décembre 2015
L’article 64 de la Constitution congolaise fait-il peur?
Par Jean-Bosco Kongolo
« Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution. Toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la nation et l’État. Elle est punie conformément à la loi. »
Tel est le libellé de la disposition constitutionnelle avec laquelle les Congolais, du pays ou de la diaspora, du pouvoir comme de l’opposition, profanes et professionnels du droit, vont devoir se familiariser durant toute l’année 2016, au regard de l’évolution inquiétante et incertaine du processus électoral devant consacrer l’alternance démocratique ou alors le retour à la case zéro, avec des crises de légitimité. Rédigé en un seul paragraphe (alinéa unique) de 55 mots au total, cet article peut inspirer à lui seul des mémoires de fin d’études ou même des thèses de doctorat en Droit ou en Sciences politiques. Brandi par certains comme solution ultime en cas d’échec du processus électoral, son invocation est déjà perçue par les autres comme susceptible de provoquer des troubles et constitutive de l’infraction d’atteinte à la sûreté de l’État[1]. En l’absence d’une interprétation par la Cour constitutionnelle, qui n’en est pas encore saisie, nous avons tenu à partager avec l’opinion publique notre analyse sur toutes les questions qui découlent de la lecture de cette disposition qui, plus à tort qu’à raison, fait déjà peur à certains.
1. Qu’est-ce qui justifie la présence de cette disposition dans la Constitution?
Comme pour n’importe quel texte de loi, l’intérêt de l’article 64 ci-dessus repris ne peut être facilement compris qu’en le plaçant dans son contexte politico-historique et dans l’ensemble de la Constitution. Ce n’est que de cette manière qu’il est possible d’éviter toute interprétation erronée et susceptible de fragiliser la paix sociale qui ne tient encore qu’à un fil.
1.1. Le contexte politico-historique
A moins d’être de mauvaise foi manifeste, tous les Congolais d’hier et d’aujourd’hui reconnaissent que les 32 ans de la dictature mobutienne, les six ans de guerre dite de libération (1996-2002) et le régime suis generis (unique en son genre) de la transition 1+4(2003- 2006) avaient créé un climat de méfiance entre la classe politique non armée et les belligérants et entre la population, représentée par la société civile, et l’ensemble de la classe politique, toutes tendances confondues. L’idée d’enchâsser une telle disposition dans la Constitution de la Troisième République se justifie donc par le souci de prévenir, au profit des générations présentes et à venir, toute velléité de résurgence d’un pouvoir concentré entre les mains d’un seul individu ou groupe d’individus.
Grâce à cet éclairage, que les juristes appellent ratio légis (la raison d’être de la loi), le libellé de l’article 64 ne peut ni faire peur à personne ni encore moins être difficile à interpréter. Cette raison d’être de l’article 64 se trouve d’ailleurs bien explicitée dans l’exposé des motifs de cette même Constitution en ces termes : « Depuis son indépendance, le 30 juin 1960, la République Démocratique du Congo est confrontée à des crises politiques récurrentes dont l’une des causes fondamentales est la contestation de la légitimité des Institutions et de leurs animateurs. Cette contestation a pris un relief particulier avec les guerres qui ont déchiré le pays de 1996 à 2003. En vue de mettre fin à cette crise chronique de légitimité et de donner au pays toutes les chances de se reconstruire, les délégués de la classe politique et de la Société civile, forces vives de la Nation, réunis en Dialogue inter Congolais, ont convenu, dans l’Accord Global et Inclusif signé à Pretoria en Afrique du Sud le 17 décembre 2002, de mettre en place un nouvel ordre politique, fondé sur une nouvelle Constitution démocratique sur base de laquelle le peuple congolais puisse choisir souverainement ses dirigeants, au terme des élections libres, pluralistes, démocratiques, transparentes et crédibles. »
A travers cet extrait, le Constituant a clairement affiché sa volonté de mettre définitivement fin aux crises de légitimité qui ont émaillé la politique de notre pays depuis son accession à l’indépendance. Ce qui signifie, d’après ce même texte, que tout pouvoir non issu des élections libres et transparentes, serait exercé par la force. Par conséquent, il est du devoir patriotique et constitutionnel de tout citoyen de faire échec à un tel individu ou groupe d’individus (article 64).
1.2. L’article 64 et les autres dispositions auxquelles il renvoie
Encore une fois, c’est faire preuve de mauvaise foi et de lecture sélective ou partisane de l’article 64 de la Constitution que de le sortir de son contexte politico-historique pour en menacer tous ceux qui l’invoquent, en les accusant de tentative d’infraction d’atteinte à la sûreté de l’État ou de renversement des institutions de la République. Cet article, comme tous les autres, ne peut être mieux interprété et compris qu’en complémentarité avec d’autres dispositions auxquelles il renvoie. Il s’agit notamment des articles suivants :
Article 5(al. 1 et 2) : « La souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par voie de référendum ou d’élections et indirectement par ses représentants. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. La loi fixe les conditions d’organisation des élections et du référendum. »
Article 7 : « Nul ne peut instituer, sous quelque forme que ce soit, de parti unique sur tout ou partie du territoire national. L’institution d’un parti unique constitue une infraction imprescriptible de haute trahison punie par la loi. » Par parti unique, il faut également entendre « pensée unique ».
Article 8 : « L’opposition politique est reconnue en République Démocratique du Congo. Les droits liés à son existence, à ses activités et à sa lutte pour la conquête démocratique du pouvoir sont sacrés. Ils ne peuvent subir de limites que celles imposées à tous les partis et activités politiques par la présente Constitution et la loi. »
Article 23 : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit implique la liberté d’exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la parole, l’écrit et l’image, sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs. »
Article 26 : « La liberté de manifestation est garantie. Toute manifestation sur les voies publiques ou en plein air, impose aux organisateurs d’informer par écrit l’autorité administrative compétente. Nul ne peut être contraint à prendre part à une manifestation. La loi en fixe les mesures d’application. »
Article 62 : « Nul n’est censé ignorer la loi. Toute personne est tenue de respecter la Constitution et de se conformer aux lois de la République. »
Article 69 : « Le Président de la République est le Chef de l’État. Il représente la nation et le symbole de l’unité nationale. Il veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraine nationale et du respect des traités et accords internationaux. » Article 70 : « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un de cinq ans renouvelable une seule fois. A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu. »
Article 211 : « Il est institué une Commission électorale nationale indépendante dotée de la personnalité juridique. La Commission électorale nationale indépendante est chargée de l’organisation du processus électoral, notamment de l’enrôlement des électeurs, de la tenue du fichier électoral, des opérations de vote, de dépouillement et de tout référendum. Elle assure la régularité du processus électoral et référendaire. Une loi organique fixe l’organisation et le fonctionnement de la Commission électorale nationale indépendante. »
Article 212 : « Il est institué un Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication dotée de la personnalité juridique. Il a pour mission de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse, ainsi que de tous les moyens de communication de masse dans le respect de la loi. Il veille au respect de la déontologie en matière d’information et à l’accès équitable des partis politiques, des associations et des citoyens aux moyens officiels d’information et de communication. »
Article 220 : « La forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées. »
À l’approche de la fin du dernier mandat du Président Joseph Kabila et au regard de l’actualité politique du Congo-Kinshasa, il est facile d’observer que par les faits, gestes, actes, discours et décisions, tout est mis en œuvre pour que les élections, même celles à délais fixes et impératifs, n’aient pas lieu afin qu’un groupe d’individus continue d’exercer le pouvoir en violation de la Constitution. Et c’est pour contourner tous ces radars constitutionnels de surveillance de la démocratie énumérés ci-dessus qu’il est proposé aux naïfs le lait et le miel du dialogue[2] en même temps qu’il est fait recours à la justice clientéliste, instrumentalisée et incompétente pour intimider tous ceux (personnalités politiques, religieuses et associations de la société civile) qui réfléchissent et s’expriment à haute voix, conformément aux garanties des dispositions pertinentes(ci- dessus) de la Constitution pour faire échec à tout un individu ou groupe d’individus qui exercerait ou tenterait d’exercer le pouvoir sans élections et au-delà des délais impératifs[3]. Qui peut honnêtement affirmer que la Conférence de l’Île de Gorée se serait tenue sans aucune entrave à Kinshasa ou dans un autre lieu du pays?
2. Quel est le régime constitutionnel protégé par l’article 64 de la Constitution?
La Constitution actuellement en vigueur institue un régime constitutionnel semi-présidentiel dont le gouvernement, issu de la majorité parlementaire, est responsable devant le parlement (art. 69). Le Président de la République, le Gouvernement, le Parlement et les Cours et Tribunaux en sont les institutions (article 68).
Il est dit dans la deuxième phrase de l’article 64 que « Toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la nation et l’État. Elle est punie conformément à la loi. » C’est cette phrase qui a servi de prétexte au Procureur général de la République, faisant une lecture partisane de la Constitution, pour tenir une conférence de presse au cours de laquelle il a menacé tous ceux qui invoquent cette disposition en cas d’échec du processus électoral[4]. En vertu du principe selon lequel « Les hommes passent mais les institutions restent », cette phrase de l’article parle du régime et non des hommes qui animent les institutions et auxquels la première partie de l’article fait allusion lorsqu’ils exercent ou tentent, comme c’est le cas, d’exercer le pouvoir par la force. C’est ainsi, pas autrement, qu’il faut comprendre le devoir imposé à tout Congolais de faire échec à tout individu, même élu démocratiquement, qui s’écarterait de ce cadre constitutionnel pour exercer ou tenter d’exercer le pouvoir par la force.
À cause de la mauvaise interprétation de cette disposition, plusieurs compatriotes croupissent injustement et arbitrairement en prison pour avoir tout simplement exercé leur droit en invoquant l’alternance démocratique. Mais ce même Procureur général de la République n’a jamais trouvé dangereux pour l’État et pour la nation, que les responsables du PPRD, parti au pouvoir, signent une alliance politique avec le CNDP, force négative, (devenu plus tard M23) en vue des élections de 2011[5]. En effet, l’attitude du pouvoir, élu en 2006 et reconduit en 2011 de la manière que l’on connaît, est semblable à celle d’un voleur qui crie ô voleur. Le régime constitutionnel auquel il est fait allusion à l’article 64 et qui ne s’identifie pas aux personnes qui animent les institutions ne peut être compris sans faire référence à l’article 220, devenu un os dans la gorge de ceux qui ont plusieurs fois et de différentes manières, tenté de le contourner sans succès. Nous pouvons citer à cet effet les cas suivants :
· un livre pseudo-scientifique, œuvre d’un haut cadre du PPRD;
· une pétition d’un autre cadre du même parti pour suggérer la révision de la Constitution sur des matières verrouillées;
· le projet de loi électorale de janvier 2015;
· la création d’une association dénommée « Kabila-désir »;
· le démembrement précipité et non programmé des provinces, suivi de la nomination anticonstitutionnelle des commissaires spéciaux;
· et enfin les égarements de la Cour constitutionnelle sur une matière qui n’était pas de sa compétence ainsi que la convocation du dialogue national dont l’objet non avoué est de former un gouvernement d’union nationale pour essayer de déroger à toutes ces règles et obtenir le fameux glissement. « Les masques tombent. Après le leader de BDM, Ne Mwanda Nsemi, le président du Parti Travailliste, Steve Mbikayi, s’est dit favorable à l’idée d’une transition. Le Chef de file de l’Opposition Nationaliste a fait la ronde des radios et télévisions de la capitale pour défendre son idée. Mbikayi demande à la classe politique de ne pas se leurrer et d’être réaliste au regard des pesanteurs actuelles. Le contexte actuel, dit-il, ne favorise pas la tenue des élections crédibles dans un climat apaisé. Aujourd’hui, il y a des gens qui réclament l’enrôlement des nouveaux majeurs mais cela se fera dans combien de temps. Il explique qu’il est impossible d’avoir tous les scrutins en dix mois. Sinon, c’est la démagogie, déclare-t-il. Si nous dépassons le mois de décembre sans dialogue, il est clair que nous allons, à partir du mois de janvier, défendre l’idée d’une transition politique parce qu’on ne pourra pas avoir des élections dans trois ou quatre mois. »[6] Ce mode opératoire consistant à utiliser un opposant « positionniste » pour lui faire dire ce que veut obtenir le pouvoir est bien connu de tous les observateurs et analystes politiques depuis l’avènement du multipartisme au Congo-Kinshasa.
3. Invoquer ou appliquer l’article 64 de la Constitution porte-t-il atteinte à la sûreté de l’État?
L’affirmation est du Procureur général de la République, numéro un national de la répression en cas de violation de la loi pénale. En guise de parenthèse, tous ceux qui, comme nous, ont eu le bonheur d’apprendre le cours de Droit pénal général avec l’éminent Professeur Kalombo Mbanga, paix à son âme, se souviennent de ce qu’à son examen, toujours oral, il ne tolérait pas qu’un étudiant, probable futur magistrat, confonde les notions essentielles de cette matière considérée comme base de la répression légale. Pour lui, mieux valait arrêter tôt le parcours d’un tel étudiant que de le laisser continuer pour devenir « un dangereux boucher » qui enverrait des innocents à l’échafaud ou les ferait condamner arbitrairement à des longues peines. Voici ce que dit le code pénal congolais au sujet des atteintes à la sûreté intérieure de l’État :
Article 195 : « L’attentat dont le but aura été soit de détruire ou de changer le régime constitutionnel, soit d’inciter les citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité de l’Etat ou à s’armer les uns contre les autres, soit de porter atteinte à l’intégrité du territoire national, sera puni de la servitude pénale à perpétuité. »
Article 196 : « Le complot formé dans l’un des buts mentionnés à l’article 195 sera puni d’une servitude pénale de dix à quinze ans si quelque acte a été commis ou commencé pour en préparer l’exécution, et d’une servitude pénale de cinq à dix ans dans le cas contraire. S’il y a eu proposition faite et non agréée de former un complot pour arriver à l’une des fins mentionnées à l’article 195, celui qui aura fait une telle proposition sera puni d’une servitude pénale de un à cinq ans. »
A la lecture de ces deux dispositions du code pénal congolais, tout observateur neutre et objectif est en mesure de comprendre, même sans être juriste ou magistrat, que c’est plutôt contre les initiatives d’un groupe d’individus de vouloir changer le régime constitutionnel (proposition d’élire le Chef de l’État au second degré, propositions de modifier la constitution pour supprimer la limitation et la durée des mandats du Président de la République, pièges pour prolonger le mandat du Président en exercice…) que l‘application de l’article 64 de la Constitution est invoquée comme dernier rempart, là où la justice a montré les limites de son indépendance.
De ce qui précède, il est paradoxal que les articles 195 et 196 précités soient utilisés par la justice congolaise contre ceux-là mêmes qui exigent le respect strict de la Constitution. D’autant plus que dans la hiérarchie des lois, la Constitution (Loi fondamentale) est supérieure au code pénal, qui est une loi ordinaire. C’est, en définitive, pour prévenir de telles situations, d’un individu ou groupe d’individus confisquant tout le pouvoir (exécutif, législatif, judiciaire et même médiatique), qu’a été libellé l’article 64 dont question. Les menaces, les intimidations et la répression qui s’abattent sur ceux qui manifestent ou projettent de manifester pour faire échec à ce genre d’individus résultent de la mauvaise interprétation des articles 64 de la Constitution et 195 et 196 du code pénal. Elles apportent par ailleurs une preuve supplémentaire que le Président Joseph Kabila et ses collaborateurs n’entendent nullement quitter le pouvoir au-delà de l’expiration de son dernier mandat à la tête du pays. Selon Congoindépendant « Plusieurs dizaines de véhiculent antiémeutes ont été aperçus sur le boulevard du 30 juin ce jeudi 24 décembre. Le pouvoir kabiliste répond par l’intimidation aux forces politiques et sociales qui articulent deux exigences. D’une part la tenue de l’élection présidentielle et des législatives dans les délais constitutionnels soit le 27 novembre 2016. D’autre part, le respect de la limitation du nombre de mandats. Ce qui implique l’interdiction pour le Chef de l’État en exercice-dont le second et dernier mandat expire le 19 décembre 2016.-de briguer un troisième mandat. L’année 2015 qui s’achève a mis à nu un Joseph Kabila qui ne fait plus la pluie et le beau temps. L’homme est en passe de perdre la main. Il n’est plus le maître du jeu. Le recours à la force brutale trahit en réalité une grande faiblesse.»[7]
4. Pourquoi l’article 64 de la Constitution fait peur?
Pour mieux répondre à cette question, il faut commencer par poser cette autre : « A qui cet article s’adresse-t-il? » Comme n’importe quel texte de loi, censé être impersonnel, toute la Constitution et, en l’occurrence l’article 64, s’adressent indistinctement à tout Congolais tant de la présente génération que des générations futures. Pour montrer son importance dans Constitution et son rôle dans la consolidation la démocratie et de l’État de droit, il figure à la troisième place du chapitre 4, consacré à l’énumération des devoirs du citoyen. A moins de se sentir morveux, il n’est donc pas raisonnable de menacer, d’intimider et de réprimer les bons citoyens qui ne font que leurs devoirs patriotiques de veiller au respect de la Constitution, d’autant plus que cette constitution est muette quant aux moyens à utiliser pour la défendre. Mais à y regarder de plus près, notamment en lisant le rapport non contesté de l’enquête parlementaire établissant une longue liste des jouisseurs de la République qui ont bénéficié des prêts leur accordés par le Fonds de promotion industrielle(FPI), l’on comprend bien pourquoi la plupart d’entre eux ont peur de quitter le pouvoir et redoutent les articles 64, 70 et 220 de la Constitution. S’il avait un seul bon conseiller (qui ne soit pas flatteur) ou si lui-même ne poursuivait pas les mêmes objectifs que ses courtisans, le Président Kabila apprendrait depuis longtemps à se méfier de ces derniers et/ou prendrait tout son courage pour s’en démarquer afin de faciliter l’alternance politique et d’entrer dans l’histoire du pays et de l’Afrique par la grande porte (passation paisible et civilisée du pouvoir), lui qui était venu au pouvoir il y a quatorze ans par une petite fenêtre.
Conclusion
L’histoire contemporaine renseigne très peu de cas d’« hommes forts » qui ont résisté à la détermination de leurs peuples d’en finir avec leurs régimes. Bien au contraire, ils (ces hommes) ont presque tous un même ADN, caractérisé par leur incapacité à lire les signes de temps, en croyant que ce qui arrive aux autres ne les concerne pas. Mobutu Sese Seko en a fait les frais, lui qui se prenait pour un petit Dieu et qui était entouré des gardes armés jusqu’aux dents. Il en est de même de Blaise Compaoré, qui est aujourd’hui recherché en tant que criminel. Le peuple Congolais a été bien avisé d’insérer dans sa Constitution l’article 64, arme juridique plus redoutable que les chars et tous les équipements de la mort déjà accumulés et stockés pour créer le chaos [8]. Le moment venu, si aucune volonté de faciliter une passation civilisée du pouvoir ne se manifeste, le souverain primaire saura et devra s’en servir pour prouver à la face du monde sa maturité politique. Ceux qui se croient forts aujourd’hui trouveront sur le chemin de leur exil, grâce à la véritable modernité, leurs dossiers prêts à être déférés devant la justice pénale internationale. Les dignes fils et filles de la diaspora congolaise et du pays s’en occupent. La loi (article 64 de la Constitution) est dure mais c’est la loi, elle s’applique et doit s’appliquer.
Jean-Bosco Kongolo M.
Juriste&Criminologue
Références
[1] Jean-Bosco Kongolo, 2015. Les menaces du Procureur général de la République : une occasion manquée de se taire, http://desc-wondo.org/fr/les-menaces-du-procureur-general-de-la-republique-une-occasion-manquee-de-se-taire-jb-kongolo/.
[2] FORUM DES AS, 13 novembre 2015. Le dialogue annoncé par le Président Kabila est à la fois nécessaire et opportun en tant qu’espace et moment de liberté où il sera possible, pour les intérêts majeurs de notre démocratie, de notre peuple et même de nos institutions, d’aborder les sujets d’intérêt national », a soutenu le porte-parole de la MP.
Selon l’ambassadeur Atundu Liongo, ce sera une occasion pour la classe politique de lever une option claire sur des sujets qui animent l’actualité politique rd-congolaise. Notamment faudrait-il organiser les élections en l’état ? C’est-à-dire, avec un fichier électoral décrié par tous, ayant perdu des données essentielles. Ou, au contraire, consolider la crédibilité du processus électoral par l’enrôlement des nouveaux majeurs et de la diaspora, et le nettoyage du fichier électoral pour minimiser le risque de contestation et de violence postélectorale.
Dans ce cas, estime le porte-parole de la Majorité présidentielle, « la classe politique devrait avoir le courage de décider d’un recensement général de la population du pays. », http://7sur7.cd/new/porte-parole-de-la-mp-andre-alain-atundu-le-dialogue-semble-la-seule-voie-credible-pour-sauver-le-processus-electoral/.
[3] Radio okapi, 16/12/2015, Le président de l’Assemblée nationale a accusé, mercredi 16 décembre 2015, les opposants et les membres de la société civile ayant participé à une rencontre sur l’Ile de Gorée au Sénégal, d’avoir pris part à un séminaire d’endoctrinement.
Selon Aubin Minaku, l’objectif de cette rencontre était d’apprendre aux participants des pratiques subversives pour un soulèvement populaire en République Démocratique du Congo., http://www.radiookapi.net/2015/12/16/emissions/dialogue-entre-congolais/aubin-minaku-accuse-les-opposants-partis-goree-de.
[4] Jean-Bosco Kongolo, op.cit.
[5] Jeune Afrique, 14 décembre 2010, De retournements d’alliance en réconciliations, l’ex-rébellion de Laurent Nkunda a parcouru du chemin. Elle va désormais prendre part à la grande alliance constituée autour du président congolais Joseph Kabila pour la présidentielle 2011.
L’Alliance de la majorité présidentielle (AMP), crée par le président congolais Joseph Kabila en vue des élections de 2011, va intégrer dans ses rangs les membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP).
En acceptant de travailler avec l’ancienne rébellion du Nord-Kivu (Est de la République démocratique du Congo) dirigée par Laurent Nkunda, depuis devenue parti politique après des accords de paix en 2009, l’AMP entérine la reconnaissance des anciens rebelles comme acteurs politiques majeurs., http://www.jeuneafrique.com/183279/politique/pr-sidentielle-2011-alliance-entre-kabila-et-les-anciens-rebelles-du-cndp/.
[6] 7sur7.CD, 22 décembre 2015, http://7sur7.cd/new/lopposant-pro-dialogue-steve-mbikayi-favorable-a-une-transition-de-trois-ans/.
[7] Congoindépendant, 24 décembre 2015, http://www.congoindependant.com/article.php?articleid=10473.
[8] Jean-Jacques Wondo, 2015. « Depuis les événements de janvier, la ville de Kinshasa est quadrillée par les éléments de la Garde républicaine renforcée par 4 régiments commandos formés par des chinois. Il les a répartis dans les quatre districts de la capitale (Tshangu, Funa, Lukunga et Mont-Amba). Les kinois qui ne sont pas distraits par la musique, peuvent apercevoir ces patrouilles militaires et non policiers circulant dans les artères de la capitale. Pourtant le pays n’est nullement placé en état d’urgence dont nous avons détaillé les spécificités dans une récente analyse.
En effet, il nous revient de plusieurs sources recoupées que pour Kabila, seule l’épreuve de force est la meilleure stratégie pour reprendre les choses en mains, fût-il au prix des vies humaines. Ainsi, dans cette optique de mettre la RDC au pas, nous avons recueilli une masse d’informations faisant état de la sur-militarisation de la Garde présidentielle (GR) et de l’achat massif des armes et munitions, au profit de la GR pour mâter de manière très violente toute tentative de révolte populaire.
– See more at: http://desc-wondo.org/fr/rdc-kabila-est-il-credible-dans-sa-proposition-de-dialogue-national-jean-jacques-omanyundu/#sthash.GO0KohcW.dpuf.